Pendant le mois de juillet, les héros sont à l’honneur. Des Alpes aux Pyrénées, le tour de France couvrira 25 cols de montagnes et 3 600 kilomètres. Durant 21 jours, des performances extraordinaires verront le jour. Si pour certains ces dernières sont le fruit d’efforts permanents, pour d’autres ces résultats sont dus au dopage. En effet, ce genre d’allégation à de nombreuses fois salit le Tour car tout cycliste qui excelle attire inévitablement des soupçons. Cependant, qu’en est-il si une performance extraordinaire pouvait être utilisée comme une preuve du dopage ? C’est l’idée sous-jacente d’une nouvelle stratégie qui cherche la réponse à la question : « une telle performance est-elle réellement possible sans l’aide des drogues ? ».
L’idée derrière cette stratégie est très nette : le cycliste peut s’entraîner jusqu’à la limite de ces capacités humaines. Ces dernières sont basées sur ce qu’on sait de la physiologie et des capacités maximales du corps. Ainsi, si les performances d’un athlète dépassent la limite des capacités humaines, elles sont comme une lumière qui le désigne comme étant un dopé en puissance.
Avec le soutien de nombreux physiologistes du sport, cette nouvelle stratégie attire l’intérêt du gouvernement français. Ce dernier envisage d’y avoir recours au cours des grands évènements sportifs. L’Agence Mondiale Anti-Dopage réalise des études pilotes pour confirmer l’efficacité de cette stratégie. Toutefois, une difficulté de taille demeure. En effet, les sports d’élite ne concernent que les capacités extraordinaires. Alors, les performances au cours d’une épreuve sportive peuvent-elles servir à faire la distinction entre des athlètes dopés et ceux d’exception ?
Pour étudier le potentiel d’un cycliste, la « puissance de rendement » est une mesure clé qui pourrait être utilisée. Il s’agit d’une mesure qui permet d’évaluer l’énergie qu’utilise un cycliste pour pédaler dans le col d’une montagne. Par ailleurs, l’hormone érythropoïétine (un médicament populaire) a le pouvoir d’augmenter le pic de la puissance de rendement de 16 % chez les volontaires en bonne santé. Ce résultat a été observé après 4 semaines de consommation de la drogue.
Celle-ci augmente également de 50 % la durée au-delà de laquelle un sujet peut maintenir un rythme élevé. Plusieurs participants qui ont gagné le tour de France notamment Bjarne Riis le gagnant de 1996 ont admis avoir consommé cette drogue en 1990. Néanmoins, avant l’apparition de l’EPO, le rendement des gagnants du Tour était de 380 Watts dans les grimpées les plus importantes. Aucun d’entre eux ne dépassait les 410 Watts selon les dires de Antoine Vayer, un entraîneur professionnel.
De 1994 à aujourd’hui, ce dernier a calculé qu’environ 6 coureurs en moyenne par an dépassaient les 410 Watts. À la fin de la décennie, lorsque la détection de l’EPO dans le sang ou les urines est devenue plus précise les rendements des gagnants ont dégringolé. En dehors de ces mesures, un autre élément susceptible de susciter des soupçons sur un cycliste est un VO2 élevé. C’est le calcul du taux maximum auquel un humain utilise de l’oxygène. Les niveaux les plus élevés de celui-ci (environ 90 millilitres d’oxygène par minute et par kilogramme) proviennent de skieurs et de rameurs tout terrain. Ils se servent d’une forte proportion des muscles de leur corps.
Les cyclistes d’élite quant à eux affichent généralement les scores les plus bas car leur activité utilise très peu de masse musculaire. Une étude effectuée sur 11 cyclistes de niveau mondial révèle que le niveau le plus élevé de VO2 chez ces derniers était de 82,5 ml/kg/min. Selon les experts, des rapports proches de cette valeur sont très rares. En effet, elles sont considérées comme très élevées et même au-delà de ce qui peut être considéré comme « naturel » chez un cycliste.
Des analyses résultant des études de Vayer ont été utilisées par Ross Tucker de l’université de Cape Town en Afrique du Sud pour estimer le VO2 max de plusieurs coureurs. Les hypothèses posées dans les calculs (l’efficacité d’un cycliste convertie en énergie sur le vélo) limitent la précision de ces dernières. Cependant, Tucker montre que dans les huit dernières occasions du tour un certain nombre de coureurs affichait une VO2 max au-delà de la limite de 85 ml/kg. Certains cyclistes avaient même des valeurs au-dessus des 90 ml/kg/min. Ces niveaux reflètent-ils un rebond de la réalisation humaine ou sont-ils le signe d’une physiologie artificiellement gonflée ?
Depuis le déclin de 2000, les rendements de sorties ne cessent d’augmenter. Bien que de nombreux cyclistes aient été testés positifs aux contrôles antidopage certains avec des niveaux de VO2 élevés étaient clean. Tucker estime que Lance Armstrong, un cycliste qui avait été testé négatif à l’époque, a produit un VO2 d’environ 97 ml/kg/min quand il a grimpé l’Alpe D’Huez. Ceci démontre les limites de la nouvelle stratégie. Il ne peut donc être attribué le statut de « dopé » à un athlète sur la seule base de ses performances selon Schumacher.
Toutefois, ce dernier et d’autres encore estiment que ce type d’analyses physiologiques et sophistiquées peuvent être très utiles pour les autorités antidopage. Ainsi, pendant et en dehors des compétitions les sportifs sont sujets à des tests urinaires et sanguins fréquents. Les résultats de ces analyses sont ajoutés aux « passeports biologiques » des cyclistes. Peuvent également être ajoutées aux dossiers les estimations périodiques de VO2 max et de rendements de puissance de sortie.
Cette approche a été étudiée par l’Agence Anti-Doping avec l’aide de Pierre Sallet, coach sportif et physiologiste à Lyon. Grâce à ses analyses d’un grimper pendant le Tour il a remarqué un coureur qui produisait pendant plus de trente minutes une moyenne de puissance qui dépassait les 480 Watts. Ce niveau est considéré comme « au-delà de toutes les normes » et donne une bonne raison de mener une enquête plus approfondie.
Cette année, l’Agence antidopage a prévu d’introduire dans son schéma de passeport biologique les données sur les stéroïdes et les hormones ainsi que les performances physiologiques. À cet effet, Fred Grappe aura une rencontre avec les membres du ministère des Sports et de la Santé. Il s’agira de discuter de la possibilité de mettre en place un programme national d’enregistrement des performances. Selon ses déclarations, il désirerait combiner les tests en laboratoire et les enregistrements des courses afin de suivre la performance des sportifs.
En somme, la connaissance de ce qui est reconnu comme étant possible humainement pourrait ne pas être suffisante pour juger le dopage d’un athlète. En parallèle, les enregistrements physiologiques et les tests antidopage pourront donner aux autorités une idée claire de ceux qui ne sont pas clairs. De cette manière, il sera possible de mieux les contrôler.

Naturopathe de formation depuis 2011, je me suis spécialisé dans le suivi des athlètes sportifs pour les aider à atteindre leurs objectifs sportifs. Diplômé de l’EESNQ, je propose sur BodyScience une approche ludique du sport et de la nutrition.